Suite au débat suscité par le projet d’implantation de Total dans la communauté des anciens élèves, le président de l’X organisé une visio-conférence à destination des représentants des élèves (kessiers) des anciennes promotions afin de défendre le projet et répondre à leurs questions. Suite à son intervention et après discussion, le président du groupe des anciens kessiers, a adressé au président de l’X le message ci-dessous au nom de ses camarades.
Mail de Bernard Duverneuil, président du groupe des anciens kessiers, adressé à Éric Labaye, président de l’École polytechnique, 11/05/2020.
Nous remercions Eric Labaye, président de l’X, pour le temps
consacré à l’échange qu’il a bien voulu avoir avec les Y le 23 avril. Il
est important de rappeler qu’Eric Labaye a pris le dossier tel qu’il
était déjà engagé, et que les réflexions qui suivent sont une
contribution des Y se voulant constructive, et ne se veut en rien à
charge. De même, il serait injuste d’imputer la situation actuelle à la
réaction trop tardive des représentants des élèves. Le renouvellement
annuel de cette représentation est difficilement compatible avec la
continuité nécessaire à une gouvernance soutenue dans la durée. La
situation de blocage actuelle n’est donc pas non plus le fait des
élèves.
Tout d’abord tâchons de lister quelques sujets qui font l’objet de peu de débats au sein de la communauté :
- l’intérêt pour l’industrie en France de renforcer le lien entre enseignement supérieur, recherche publique et entreprises privées;
- en conséquence l’intérêt pour l’Ecole de renforcer ses liens avec le monde de l’entreprise en accueillant ainsi de grands groupes, principalement pour des activités de R&D;
- le fait que de nombreuses entreprises se soient déjà installées à proximité de l’Ecole, voire sur le campus mais sur sa partie ouest;
- l’intérêt pour Total en termes d’image, de proximité avec les élèves, dans une perspective d’émulation pour sa recherche et sans doute d’attraction de jeunes talents;
- l’intérêt pour la Nation de développer les énergies bas-carbone, ce qui semble être l’objectif poursuivi par le centre R&D de Total.
Ensuite, les questions importantes qui se posent :
1/ Dans quel schéma d’urbanisation du campus le projet Total doit il être considéré?L’Ecole entérine t-elle ce projet d’Innovation Park qui rassemblerait plusieurs entreprises sur la partie Est du campus ? C’est sans doute la première question car elle est structurante.L’intérêt
d’un Innovation Park pourrait être double : attirer plus d’entreprises,
et ainsi renforcer les liens Ecole-Entreprises, mais aussi financier en
rentabilisant les terrains de l’Ecole.Les réticences
soulevées portent sur une trop forte proximité géographique, un certain
dénaturement de la vocation de l’Ecole, mais aussi une réduction
drastique de l’environnement paysager et sportif du campus.Ce projet d’Innovation Park est-il réaliste ? Et quel est son degré d’avancement véritable ?Qu’en est-il par ailleurs du
projet d’axe Est-Ouest ? C’est sans doute le projet le moins clair pour
la communauté des Y, à la fois dans sa définition (quels bâtiments
devraient être rasés ??) comme dans sa justification (quel est
l’objectif concret poursuivi ?). En tout état de cause, cela ne ferait
que transformer encore le principe d’un campus vert et ouvert, en
un campus toujours plus urbain, avec une forte mixité
étudiants-employés. Est-ce bien souhaitable ?
2/ Quel emplacement pour le bâtiment de Total ?
Le choix initial de l’emplacement, au coeur du campus, tout près du
magnan, sur le chemin des terrains de sport; a été ressenti par
beaucoup, notamment par les élèves, comme une faveur surprenante à
l’égard de Total, voire pour certains comme une provocation.A ce stade, ce serait le seul bâtiment d’entreprise dans cette partie du
campus. [Pour rappel le DrahiX a été financé grâce à un don de Patrick
Drahi et est géré par l’Ecole; le cas n’est donc pas comparable]Le
projet d’Innovation Park est récent et apparemment postérieur à la
décision d’implantation de Total. Le risque est donc important que cela
ne reste finalement qu’un habillage pour une décision hâtive et que
l’Innovation Park ne voit pas vraiment le jour. Dans ces conditions
incertaines, sans doute ne faut-il pas prendre le risque d’octroyer à
Total l’emplacement le plus sensible de cet Innovation Park car le plus
proche des élèves, mais plutôt proposer une localisation compatible
avec ce projet futur néanmoins plus éloignée, ou toute autre solution
indépendante du sujet Innovation Park…La
question générale de l’emplacement est donc centrale (!), elle est
apparemment traitée et plusieurs propositions sont à l’étude. Quels
sont donc ces emplacements possibles et quels surcoûts réels cela
représenterait-il du fait de la reprise de certaines études (pas des travaux puisqu’ils n’ont pas démarré) ?
3/
Quel cadre d’analyse définir pour décider d’accueillir ou non une
entreprise sur le campus ? Et comment l’appliquer à Total comme premier
cas ?
Quels critères l’X devrait-elle
prendre en compte pour de telles implantations : quel secteur
d’industrie, quel type d’activité, quel lien avec la stratégie de
recherche de l’X, quel impact en terme d’image pour l’X,… ?
Mais
aussi quel retour financier ? Ce dernier critère n’est-il pas une
dimension importante à prendre en compte ? Pour un lot de terrain comme
celui envisagé pour Total, un loyer de 40 ou 50 k€ par an ne peut pas
être considéré comme satisfaisant pour l’Ecole. Et même si ce tarif
a été fixé par l’ “administration” , certains camarades ont fait état de
situations comparables pour lesquelles les terrains ont pu être loués
en fonction de la valeur pour le locataire.Ne doit-on pas
améliorer le retour financier pour l’Ecole de l’accueil des entreprises
sur le campus et engager une action pour réviser cette valorisation ? Rappelons
également qu’il n’y a pas de lien entre la chaire financée par Total et
le projet de Total d’implantation de son bâtiment R&D sur le
campus. Même si cela renforce un partenariat de fait, le projet de
bâtiment a été décidé postérieurement à l’engagement de Total pour la
chaire. Il faut donc considérer le projet de bâtiment pour l’intérêt
propre qu’il peut représenter pour l’Ecole. Enfin, le fait que le bâtiment Total revienne à l’Ecole au terme du
bail de quarante ans n’apparaît pas aux yeux de beaucoup d’entre nous
comme une justification suffisante. Que vaut en effet un bâtiment vieux
de quarante ans ?
En matière d’image, que
ce soit Total et non toute autre entreprise qui s’implante sur le campus
pose-t-il un problème particulier ?
Certains rappellent à
juste titre que Total est le groupe qui investit le plus en France sur
les énergies bas-carbone. Néanmoins, en raison de son coeur d’activité,
l’image de Total auprès de la population, notamment auprès des plus
jeunes générations sans parler des écologistes, ne nuira-t-elle pas à
l’image de l’Ecole ? Y a-t-il un risque qu’elle devienne un abcès de
fixation pour les activistes climatiques ?
Un cadre d’analyse préalablement défini permettrait plus aisément de réduire ces controverses.
En conclusion, il appartiendra à la présidence de l’Ecole et à son conseil de répondre précisément à ces questions, en privilégiant la recherche d’une solution acceptable pour tous, plutôt qu’une justification a posteriori d’une décision discutable, puisque discutée…